Abbaye de Valmagne
(Hérault)
En 1139, des moines quittent leur monastère bénédictin d’Ardorel dans le diocèse d’Albi et gagnent la Méditerranée. Ils s’arrêtent non loin de Thau dans un lieu appelé Vallis Magna ou Villa Magna et fondent un monastère. En 1144, le deuxième abbé de Valmagne, Pierre, intègre l’abbaye à Cîteaux, entériné par le pape Hadrien IV en 1159. De nombreuses donations enrichissent l’abbaye qui possède également plusieurs granges.
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La première période de l’histoire de Valmagne est une période de grande richesse et d’expansion, pendant laquelle l’abbaye est dirigée par des abbés réguliers, c’est-à-dire élus par le vote des moines eux-mêmes. En 1257, Bertrand d’Auriac fait construire une nouvelle église sur les fondations mêmes de l’ancienne église romane détruite. La nouvelle église mesure 83 mètres de long et 23 mètres de haut, 10 mètres seulement de moins que Notre-Dame de Paris. |
En 1348, la peste noire répand la mort avec une rapidité foudroyante. Le nombre des moines diminue, certains s’enfuient de leur monastère de peur du fléau et supportent mal, s’ils reviennent, l’austérité de la règle.
Les opérations militaires de la guerre de Cent Ans ravagent les campagnes mais les périodes d’accalmie sont aussi redoutables car les routiers torturent, massacrent et tuent pour voler. Un certains Seguin de Badafol qui terrorise la région, obligera l’abbé de Valmagne à faire des fortifications dans son abbaye. Petit à petit, les immenses propriétés de l’abbaye disparaissent. Intervient alors la commende. Les abbés qui étaient autrefois élus par le vote des moines, sont désormais nommés par le roi. Valmagne est ainsi mise en commende à partir de 1477. |
À partir de 1560, la région est troublée par les guerres que se livrent catholiques et protestants. En 1571, à Valmagne, on ne dit plus la messe car les moines n’ont plus d’abbé, celui-ci s’étant rangé du côté des réformés. L’abbaye, abandonnée par les religieux et livrée aux brigands, faillit être rasée. Valmagne survit mais dans un état lamentable. Il faut près d’un siècle pour que Valmagne retrouve un peu de sa splendeur passée. En 1635, le manque d’argent pour faire appel à des maîtres verriers oblige les moines à fermer presque toutes les ouvertures de la grande église. Au cours du XVIIe siècle, les galeries du cloître sont revoûtées.
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La seconde moitié du XVIIe siècle dote Valmagne d’abbés commendataires d’origine italienne. Le premier d’entre eux, Victor Siri, abandonne l’administration au prieur Dom Maffre qui continue la restauration en faisant refaire, en 1663, la galerie ouest du cloître. Le cardinal Pierre de Bonzi administre Valmagne de 1680 à 1687. Il en fait un véritable palais épiscopal et vit à Valmagne comme on vit à la Cour. En 1697, le cardinal laisse Valmagne à son neveu Armand-Pierre de La Croix de Castries qui continue de gérer la maison avec faste.
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À la veille de la Révolution, l’abbaye est fort endettée. Les deux derniers abbés n’y résident pas et se contentent de toucher un revenu fixe. Dom Desbies n’a plus, en 1876, que cinq religieux autour de lui. En 1790, il s’enfuit avec les trois derniers moines d’une communauté qui en avait certainement compté, pense-t-on, à une époque entre deux et trois cents, « emportant leur or, leur argenterie et leurs meubles les plus précieux ». Quelques jours après, les paysans insurgés des villages voisins envahissent l’abbaye, brûlent les papiers, les titres, les meubles et les tableaux. L’abbaye est vendue comme bien national le 23 mai 1791 à M. Garnier qui aménage l’église en fonction du domaine viticole qu’il vient d’acquérir. Il fait placer dans les nefs des bas-côtés et dans les chapelles du chœur de grands foudres (tonneaux de vin), et depuis la Révolution, l’abbatiale de Valmagne sert de cave de vieillissement du vin du domaine.
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À la mort de M. Garnier, l’abbaye et le domaine sont revendus à Henri Mercure, comte de Turenne, marquis d’Aynac, pair de France. Complètement restaurée dans la seconde moitié du XXe siècle, l’abbaye ne fut jamais revendue et se trouve actuellement dans la descendance du comte de Turenne.