Abbaye de Saint-Mathieu
(Finistère)
Les reliques de Saint-Mathieu auraient été apportées en Bretagne à la fin du IXe siècle. Selon la légende, l’abbaye fut fondée par Saint-Tanguy qui la peupla de moines de son abbaye de Gerber et en devint le premier abbé.
Depuis son origine jusqu’à nos jours, l’abbaye a été appelée abbaye de Saint-Mathieu de Fine-Terre. En effet, au-delà, il n’y a plus rien puisqu’elle est située sur le cap Pen-ar-Bed (bout du monde). |
Les moines suivent la règle de Saint-Tanguy jusqu’en 808 où le diplôme royal de Charlemagne ordonne que la règle de Saint-Benoît soit observée dans tous les monastères de Bretagne. L’église du monastère est consacrée par Saint-Paul, premier évêque de Léon, sous le vocable de Saint-Mathieu. L’abbaye possède de très nombreuses et très précieuses reliques (morceaux de croix de Notre-Seigneur, chef de Saint-Mathieu, une phalange de Saint-Mathieu, chef de Saint-Étienne…).
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En 1416, le pape Jean XXIII, sur la plainte d’Alain, vicomte de Rohan, et de Béatrix, sa femme, donne commission à l’abbé de Bon-Repos de visiter les abbayes de Saint-Mathieu, de Daoulas et du Relec, ainsi que les autres abbayes ou prieurés de l’ordre de Saint-Benoît, dans lesquels, d’après la plainte, les abbés, les prieurs et les moines négligent de célébrer l’office divin, d’observer l’hospitalité, de faire l’aumône, et laissent les édifices tomber en ruine, bien qu’ils perçoivent intégralement les revenus de ces monastères ou prieurés. Malheureusement, on ne connaît pas les résultats de cette enquête.
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En 1585, l’abbé de Saint-Mathieu est le comte de Ruggieri, astrologue florentin venu en France à la suite de Catherine de Médicis sur qui il exerça une fatale influence. C’est sans doute la reine elle-même qui fait de lui l’abbé commendataire de l’abbaye. À sa mort, il déclara « il n’y a d’autres diables que les ennemis qui nous tourmentent en ce monde, ni d’autre Dieu que les rois et les princes qui peuvent nous procurer honneurs et richesses ». Un tel athée ne peut, à cette époque, recevoir aucune sépulture. Aussi, lorsqu’il meurt, le 28 mars 1615, son corps est jeté à la voirie. Ses armoiries appendues, selon l’usage, dans le monastère, sont martelées et son nom rayé de la liste des abbés.
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C’est l’abbé Louis de Fumée (de 1634 à 1657) qui rend à l’abbaye une partie de son ancienne splendeur. Au XVIIe siècle, l’abbaye est bien déchue. Des procès-verbaux de 1618 et de 1624 constatent qu’on n’y voit alors que quatre religieux et, d’après un troisième procès-verbal, du 13 avril 1639, il n’y en a plus que deux, encore ont-ils abandonné l’abbaye où l’office divin est célébré, plus ou moins souvent, par quatre prêtres séculiers.
Louis de Fumée s’adresse aux bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, qui travaillent depuis quelques années à la réforme des abbayes de l’Ordre. De nouveaux religieux sont introduits le 17 mars 1655 dans l’abbaye et la réforme appliquée. Les nouveaux religieux mettent tous leurs soins à faire revivre l’ancienne dévotion. |
L’administration de Louis de Menou, abbé de 1658 à 1702, est vigilante et éclairée. Il est soucieux des intérêts temporels de l’abbaye qui jouit à cette époque de revenus confortables.
Vers 1294-1295, une flotte anglaise, commandée par le comte de Leicester, se présente devant Pors-Ligan, entre Le Conquet et Saint-Mathieu, pour se ravitailler. Les habitants, croyant à un débarquement, refusent de les aider et prennent la fuite. Le commandant anglais débarque ses troupes qui pillent et brûlent les maisons, le port du Conquet et jusqu’à Saint-Mathieu où ils pillent l’église. Leicester, craignant le châtiment éternel, fait restituer tous les biens à l’abbaye. |
Lorsqu’éclate la guerre de succession de Bretagne qui, pendant 22 ans, fait de cette province le théâtre de luttes acharnées, Le Conquet et Saint-Mathieu, tour à tour pris et repris par les belligérants, subissent les fléaux de la guerre. Le traité de Guérande, qui met fin à cette guerre en 1365, n’est qu’une trêve. Le duc Jean IV, en 1379, autorise le libre passage, à travers la Bretagne, des troupes anglaises qui viennent guerroyer contre la France. Charles V, roi de France, envoie en Bretagne une armée commandée par Duguesclin.
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En janvier 1372, le duc Jean IV permet au roi d’Angleterre d’établir des garnisons dans un grand nombre de villes de Bretagne. Le roi de France s’empresse de prêter son concours aux seigneurs bretons. Le duc, obligé de se réfugier en Angleterre, en revient en 1373 avec des forces considérables qui lui permettent de reprendre Le Conquet et d’y placer une garnison qui l’évacue l’année suivante par suite du traité de paix conclu entre la France et l’Angleterre. L’abbaye connaît le même sort que le Conquet.
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1688, les religieux, dans la crainte des guerres et des pillages demandent à pouvoir s’installer à Brest. Le roi de France refuse. Les religieux continuent donc, et désormais paisiblement, de résider dans l’abbaye jusqu’à la suppression des ordres monastiques. En 1790, il ne reste que quatre religieux. L’abbaye de Saint-Mathieu est vendue comme bien national le 24 juillet 1796 à M. Budoc Provost, du Conquet, qui s’empresse de la démolir complètement et d’en vendre sur place les matériaux à divers particuliers. L’église et la tour servant de phare ne sont pas comprises dans la vente. Le feu de ce phare était entretenu, à l’origine, par les religieux. Ensuite, les intendants et commandants de la marine se sont attribué le feu qui, alors, n’est plus allumé.
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On n’a toujours pas repris l’usage d’allumer ce feu lorsque l’ingénieur Des Grassières propose, en décembre 1689, d’y établir un fanal. Il n’est installé qu’en 1693. La marine se charge alors des frais d’installation. En 1835, on installe un phare moderne, élevé à 54 mètres au-dessus du niveau des pleines mers d’équinoxe et d’une portée de 18 milles ou 6 lieues marines