ORDRE DES CISTERCIENS
Le 21 mars 1098 Robert de Molesme et une vingtaine de moines fondent un nouveau monastère sur l’alleu que leur a cédé le vicomte de Beaune, au sud de Dijon, en un lieu boisé et marécageux appelé Cistels (joncs en ancien français) où « personne n’habite, sauf les bêtes sauvages ». La fondation est légitimée en juin 1099 et Albéric en devient abbé. Sous son autorité, la communauté tente un retour aux sources du monachisme bénédictin.
A la mort d’Albéric, en 1109, le monastère est dans le plus complet dénuement. La rudesse de la vie y est telle, qu’il arrive à peine à pourvoir à ses besoins alimentaires. L’anglais Etienne Harding succède à Albéric. Il agrandit le domaine et emploie des laïcs pour aider les moines à l’exploitation des terres. A partir de 1111, l’essor matériel s’accompagne de l’arrivée de recrues attirées par la réputation de ferveur et de sainteté des moines. En 1113 la première fille de Cîteaux, La Ferté, voit le jour. C’est également Etienne Harding qui donne à l’Ordre naissant la Charte qui le régit toujours, 9 siècles plus tard, et servira de modèle à beaucoup d’ordres religieux : la Charte de Charité. Elle organise une forme de gouvernement originale qui associe solidarité et décentralisation : tous les abbés se réunissent chaque année pour un Chapitre général où réside l’autorité, où s’échangent les expériences, où se décident les secours mutuels.
La vie du moine cistercien est basée sur la recherche de l’isolement et de la pauvreté afin d’atteindre, par la prière, la communion avec Dieu. Une abbaye cistercienne est placée sous le patronage de Notre Dame, « Reine du Ciel et de la Terre ». Elle est fondée avec l’accord de l’évêque et construite loin de tout lieu habité, à proximité d’un cours d’eau qui permet de pêcher, d’irriguer et de faire tourner les aubes du moulin. La communauté monastique vit en autarcie, en marge de son siècle.
En 1134, lorsque meurt Etienne Harding, l’Ordre a acquis des structures solides et une autorité certaine qui permettent le formidable essor qui s’accomplit entre 1133 et 1153 et auquel la personnalité de Bernard de Clairvaux n’est pas étrangère. Il oppose l’austérité, la pauvreté et la simplicité cisterciennes au mode de vie des clunisiens. Il dénonce leur gourmandise, leur coquetterie ainsi que la grandeur et le luxe de leurs églises et de leurs cloîtres à l’ornementation recherchée et coûteuse. Maître à penser de l’Ordre, Bernard a participé activement à son essor et à son expansion bien que n’ayant jamais été abbé de Cîteaux. A sa mort, en 1153, l’Ordre compte environ 350 établissements.
Les années 1150-1250, si elles marquent un ralentissement du développement de l’Ordre, sont surtout celles d’une profonde mutation :
- La multiplication du nombre des abbayes, leur répartition et leur éloignement dans l’espace, l’incorporation d’établissements possédant déjà leurs coutumes propres, menacent la cohésion et l’unanimité de l’Ordre.
- Les cisterciens s’intègrent à l’Eglise et à la société. Ils assument des charges pastorales, apportant une aide précieuse au clergé séculier. Les nominations épiscopales et cardinalices se multiplient dans leurs rangs, ce qui en dit long sur la qualité de leurs effectifs qui fournissent, également, à la papauté de nombreux légats pour assumer des missions spécifiques comme celles que leur confie Innocent III dans la lutte contre l’hérésie cathare. Les cisterciens se tournent également vers l’étude.
- Des manquements à la Règle apparaissent dans certaines abbayes : le silence n’est pas toujours respecté ; des monastères, qui exploitent des territoires de plus en plus vastes, achètent des terres et vendent leurs produits…
A partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, les fondations se font plus rares. Le recrutement devient difficile, les nouveaux ordres mendiants attirant à eux de nombreuses vocations. Certaines abbayes sont, également, en proie à des difficultés financières et s’endettent. Toutefois, l’Ordre conserve son prestige, sa contribution à l’action pastorale est importante et ses bibliothèques enrichissent leurs fonds.
Paradoxalement, c’est la nouvelle politique de la papauté qui affaiblit l’Ordre. Jean XXII (1316-1334) pape en Avignon institue la fiscalité pontificale : tout dignitaire ecclésiastique doit percevoir un revenu dont une partie est reversée au pourvoir pontifical ; un abbé n’a d’autre solution que de faire supporter cette charge par son monastère. Benoît XII (1334-1342) veut restaurer la discipline dans l’Ordre qui fut le sien : il rétablit la libre élection abbatiale, la tenue annuelle du Chapitre Général, il impose le dortoir commun, la non consommation de viande et le respect de la clôture, il exclut tout prélèvement de revenus sur l’abbaye et incite à la prudence en matière de gestion. Ces prescriptions ne sont que peu défendues par ses successeurs, Clément VI (1342-1352) développant même le système de la commende, par lequel le pape nomme, comme abbés, non plus des moines, mais des membres du clergé séculier, souvent plus soucieux de leur intérêt personnel que de celui du monastère dont ils ont la charge. Les évènements extérieurs pèsent également sur le destin cistercien : grave dépression économique en Occident en 1335-1340, guerre de Cent Ans et son cortège de désolation. En 1378 le Grand Schisme divise la chrétienté pour la succession de Grégoire XI partageant les abbayes cisterciennes entre Clément VII et Urbain VI.
A partir de 1433 les chapitres généraux réorganisent l’Ordre et des initiatives réformatrices sont prises au plan local ou régional. Mais la Réforme protestante porte, dès 1521, une nouvelle atteinte à l’Ordre. De nombreux moines et moniales quittent leur monastère à l’appel de Luther. D’autres abbayes sont confisquées ou attaquées par des protestants. En France, les abbayes souffrent des violences des guerres de Religion.
Après le concile de Trente de 1563 qui vise à restaurer la discipline régulière des monastères, l’Ordre de Cîteaux s’organise de plus en plus en congrégations nationales ou régionales. L’Ordre se divise alors entre les abbayes adhérant à cette Réforme, appelées abbayes d’Etroite Observance, et les autres optant pour une position plus conservatrice appelée Commune Observance. En 1666 le pape Alexandre VII légitime les deux observances.
En 1789, la Révolution Française n’épargne pas plus les Cisterciens que les autres congrégations. Dès novembre 1789, leurs biens sont confisqués puis, en février 1790, l’Assemblée nationale supprime l’Ordre pour cause d’inutilité. Les moines prennent le chemin de l’exil. Il faut attendre 1815 pour que l’Ordre réapparaisse. Au XXe siècle les deux Ordres (stricte et commune observances) progressent malgré les guerres et malgré la loi de 1901 sur les associations, peu favorable aux congrégations. Présent sur tous les continents, l’Ordre regroupe 2600 moines dans 96 abbayes et 1800 moniales dans 66 abbayes.
A la mort d’Albéric, en 1109, le monastère est dans le plus complet dénuement. La rudesse de la vie y est telle, qu’il arrive à peine à pourvoir à ses besoins alimentaires. L’anglais Etienne Harding succède à Albéric. Il agrandit le domaine et emploie des laïcs pour aider les moines à l’exploitation des terres. A partir de 1111, l’essor matériel s’accompagne de l’arrivée de recrues attirées par la réputation de ferveur et de sainteté des moines. En 1113 la première fille de Cîteaux, La Ferté, voit le jour. C’est également Etienne Harding qui donne à l’Ordre naissant la Charte qui le régit toujours, 9 siècles plus tard, et servira de modèle à beaucoup d’ordres religieux : la Charte de Charité. Elle organise une forme de gouvernement originale qui associe solidarité et décentralisation : tous les abbés se réunissent chaque année pour un Chapitre général où réside l’autorité, où s’échangent les expériences, où se décident les secours mutuels.
La vie du moine cistercien est basée sur la recherche de l’isolement et de la pauvreté afin d’atteindre, par la prière, la communion avec Dieu. Une abbaye cistercienne est placée sous le patronage de Notre Dame, « Reine du Ciel et de la Terre ». Elle est fondée avec l’accord de l’évêque et construite loin de tout lieu habité, à proximité d’un cours d’eau qui permet de pêcher, d’irriguer et de faire tourner les aubes du moulin. La communauté monastique vit en autarcie, en marge de son siècle.
En 1134, lorsque meurt Etienne Harding, l’Ordre a acquis des structures solides et une autorité certaine qui permettent le formidable essor qui s’accomplit entre 1133 et 1153 et auquel la personnalité de Bernard de Clairvaux n’est pas étrangère. Il oppose l’austérité, la pauvreté et la simplicité cisterciennes au mode de vie des clunisiens. Il dénonce leur gourmandise, leur coquetterie ainsi que la grandeur et le luxe de leurs églises et de leurs cloîtres à l’ornementation recherchée et coûteuse. Maître à penser de l’Ordre, Bernard a participé activement à son essor et à son expansion bien que n’ayant jamais été abbé de Cîteaux. A sa mort, en 1153, l’Ordre compte environ 350 établissements.
Les années 1150-1250, si elles marquent un ralentissement du développement de l’Ordre, sont surtout celles d’une profonde mutation :
- La multiplication du nombre des abbayes, leur répartition et leur éloignement dans l’espace, l’incorporation d’établissements possédant déjà leurs coutumes propres, menacent la cohésion et l’unanimité de l’Ordre.
- Les cisterciens s’intègrent à l’Eglise et à la société. Ils assument des charges pastorales, apportant une aide précieuse au clergé séculier. Les nominations épiscopales et cardinalices se multiplient dans leurs rangs, ce qui en dit long sur la qualité de leurs effectifs qui fournissent, également, à la papauté de nombreux légats pour assumer des missions spécifiques comme celles que leur confie Innocent III dans la lutte contre l’hérésie cathare. Les cisterciens se tournent également vers l’étude.
- Des manquements à la Règle apparaissent dans certaines abbayes : le silence n’est pas toujours respecté ; des monastères, qui exploitent des territoires de plus en plus vastes, achètent des terres et vendent leurs produits…
A partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, les fondations se font plus rares. Le recrutement devient difficile, les nouveaux ordres mendiants attirant à eux de nombreuses vocations. Certaines abbayes sont, également, en proie à des difficultés financières et s’endettent. Toutefois, l’Ordre conserve son prestige, sa contribution à l’action pastorale est importante et ses bibliothèques enrichissent leurs fonds.
Paradoxalement, c’est la nouvelle politique de la papauté qui affaiblit l’Ordre. Jean XXII (1316-1334) pape en Avignon institue la fiscalité pontificale : tout dignitaire ecclésiastique doit percevoir un revenu dont une partie est reversée au pourvoir pontifical ; un abbé n’a d’autre solution que de faire supporter cette charge par son monastère. Benoît XII (1334-1342) veut restaurer la discipline dans l’Ordre qui fut le sien : il rétablit la libre élection abbatiale, la tenue annuelle du Chapitre Général, il impose le dortoir commun, la non consommation de viande et le respect de la clôture, il exclut tout prélèvement de revenus sur l’abbaye et incite à la prudence en matière de gestion. Ces prescriptions ne sont que peu défendues par ses successeurs, Clément VI (1342-1352) développant même le système de la commende, par lequel le pape nomme, comme abbés, non plus des moines, mais des membres du clergé séculier, souvent plus soucieux de leur intérêt personnel que de celui du monastère dont ils ont la charge. Les évènements extérieurs pèsent également sur le destin cistercien : grave dépression économique en Occident en 1335-1340, guerre de Cent Ans et son cortège de désolation. En 1378 le Grand Schisme divise la chrétienté pour la succession de Grégoire XI partageant les abbayes cisterciennes entre Clément VII et Urbain VI.
A partir de 1433 les chapitres généraux réorganisent l’Ordre et des initiatives réformatrices sont prises au plan local ou régional. Mais la Réforme protestante porte, dès 1521, une nouvelle atteinte à l’Ordre. De nombreux moines et moniales quittent leur monastère à l’appel de Luther. D’autres abbayes sont confisquées ou attaquées par des protestants. En France, les abbayes souffrent des violences des guerres de Religion.
Après le concile de Trente de 1563 qui vise à restaurer la discipline régulière des monastères, l’Ordre de Cîteaux s’organise de plus en plus en congrégations nationales ou régionales. L’Ordre se divise alors entre les abbayes adhérant à cette Réforme, appelées abbayes d’Etroite Observance, et les autres optant pour une position plus conservatrice appelée Commune Observance. En 1666 le pape Alexandre VII légitime les deux observances.
En 1789, la Révolution Française n’épargne pas plus les Cisterciens que les autres congrégations. Dès novembre 1789, leurs biens sont confisqués puis, en février 1790, l’Assemblée nationale supprime l’Ordre pour cause d’inutilité. Les moines prennent le chemin de l’exil. Il faut attendre 1815 pour que l’Ordre réapparaisse. Au XXe siècle les deux Ordres (stricte et commune observances) progressent malgré les guerres et malgré la loi de 1901 sur les associations, peu favorable aux congrégations. Présent sur tous les continents, l’Ordre regroupe 2600 moines dans 96 abbayes et 1800 moniales dans 66 abbayes.